Littérature

Cette page a pour vocation de rendre compte des lectures variées des élèves... 





DEFAITE DES MAITRES ET POSSESSEURS, Vincent Message : 3 façons d'entrer dans un livre qui dérange 
(mai 2017)

A l’heure où Ridley Scott nous offre sur écran géant un nouvel Alien, qui ne manquera pas de nous faire frémir, voici une fiction qui explore brillamment le rapport à “l’autre” et reflète sans concession l’ambiguïté de notre relation aux animaux.
Accrochez-vous : ce n’est pas sur une autre planète, mais bien sur la nôtre que tout pourrait bien arriver…


Première façon : la parole à une jeune écolo
En cherchant sur le net, on trouve bon nombre d'articles, de vidéos sur ce livre. Voici comment le présente une jeune lectrice, youtubeuse à ses heures, qui a été séduite par un des thèmes au cœur du livre : le rapport entre êtres humains et animaux.  
                             
 

source 
https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=0hG7Qwmkn3g&feature=emb_logo

Deuxième façon : la parole à François Bon
On ne présente plus cet animateur d'ateliers d'écriture, écrivain lui-même et un des tout premiers, avec son site le tiers livre, à avoir compris que la littérature devait investir la toile. Ici vous l'entendrez lire un extrait du roman de Vincent Message:


Sources 
La lecture seule :  https://www.youtube.com/watch?v=lQrOumo_jCk
La lecture suivie de commentaires : http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4289


Troisième façon : La parole aux ActuaLiseurs 

Les hommes n’aiment pas 
ce qui se mélange ;
 ce qui est hybride ;
 ce qui se tient entre deux 
c’est d’ailleurs la raison pour laquelle,
 dans les premiers temps, nous les tétanisions".
Le choix du narrateur : 1er atout
Comme le narrateur est interne ("je"),  le lecteur pense que celui qui raconte est un humain, un autre lui-même ( "je" suis celui qui dit "je"). Il se fond dans la voix qui parle, elle devient la sienne, intérieure. C’est dérangeant, quand on comprend que celui qui parle, justement, n’est pas humain... Malo Claeys est fonctionnaire dans un ministère conçu pour une nouvelle espèce qui a colonisé la Terre.
A quoi ressemble cette nouvelle espèce ? On sait qu’elle a une capacité à s’adapter, par mimétisme, à la communauté dominante (autrement dit, ici, les hommes). Mais du coup : on ne sait pas ce qu’ils sont, en eux-mêmes. D’ailleurs, on ne sait pas leur nom (on est obligé de les appeler “les autres”…)

Le suspens : 2ème atout
On ne parlera ici que du 1er chapitre, excellent : tout est fait pour semer le trouble. On croit que le "je" est un des nôtres, mais on comprend très progressivement qu'il fait partie des "autres". Du coup, on a peine à croire que c'est bien l'espèce humaine qui est réduite à une espèce dirigée, soumise même, qui finit à l’abattoir quand "les autres” en ont décidé ainsi. Or “jusqu’à quand une vie d’homme mérite-t-elle d’être vécue ? Qui peut savoir cela ? Qui a le droit d’en décider ?” c’est de cette liberté de disposer de son corps et de sa vie que tout le roman va parler (entre autres). La fin du chapitre tient particulièrement en haleine, puisqu’on apprend que la fugitive que le narrateur est soucieux de retrouver était “destinée à finir dans les chambres froides d’un boucher, ou détaillée sur un étal, et qu’elle n’a vécu si longtemps que parce qu’(il) a transgressé la loi…” Donc, il faut se rendre à l'évidence : dans ce livre, les hommes sont de la viande en sursis. 

Une écriture dystopique : 3ème atout
Le personnage prend du recul par rapport à sa situation et est capable, comme dans une enquête  objective, de montrer ce monde nouveau. Il en décrit les principes, le mode de fonctionnement et les écueils (notamment l’euthanasie des hommes de compagnie, puisqu'on ne les garde en vie ni malades, ni vieux...).  Le texte a un côté “rapport de vie”, un peu documentaire, dans lequel le narrateur pose un regard sans concession sur la société des hommes, qui a causé elle-même sa perte. Du coup, on perçoit les clins d’œil à des films comme Bienvenue à Gattaca ou La planète des singes (en pire) ou Hunger Game (pour les plus récents) et aux contre-utopies connues (1984, Le meilleur des Mondes) ou un peu moins (Le rire du grand blessé).


En bref : c’est un roman glaçant, clinique, dégoûtant par moment (au sens premier du terme), notamment dans le chapitre sur la visite de l’élevage. Mais ce n’est jamais du trash gratuit : tout est fait pour faire réfléchir. Après, c’est sûr, on ne regarde plus la viande de la même façon, ni les animaux qui nous entourent…

 (Isabelle S. et Béatrice H.)



LOVE IN VAIN, MAIS PAS TOUJOURS...
(mars 2017)



En prenant ce livre, je me suis dit que j'allais beaucoup l'aimer du fait de sa couverture :  c'est fou ce qu'on peut être influencé par un beau graphisme. Elle s'ouvre en format paysage, ce qui est loin d'être fréquent, et affiche d'emblée des dessins couleur crème sur fond noir. La robe à pois d'une femme vue de dos, soutenant un homme au costume rayé attire immédiatement le regard. Équilibre des formes. Le tissu froissé donne du volume à cette histoire, les deux corps avancent unis, nous sommes derrière eux, nous entrons dans le livre. A peine si nous remarquons le manche d'une guitare dans la main de l'homme.
Car Love in vain, ça sonne comme un titre de chanson...et  justement c'en est un. Mais ça, je ne l'ai pas su tout de suite parce que Robert Johnson (1911-1938)  inscrit sous le titre, ça ne me parlait pas. Pas encore. C'est en lisant ce livre que je l'ai découvert. C'est l'histoire d'un bluesman des années 30, qui a inspiré les plus grands musiciens de notre époque entre autres : les Rolling Stones, Bob Dylan ou encore Led Zeppelin. 

Le narrateur nous séduit par un récit mêlé de magie noire, de femmes aimées, perdues, d'alcool et de blues autant dire tous les ingrédients que l'on a l'habitude d'associer à l'image de l'artiste maudit. Robert Johnson émeut par ses questions sur l'origine de son talent et la façon qu'il a de le nourrir de ses propres expériences, même les plus tragiques - surtout les plus tragiques? ( N'oublions pas : tout ça c'est du blues !)

Robert Johnson était un grand parolier et Jean Michel DUPONT lui rend un dernier hommage à la fin du livre en nous offrant quelques-unes des plus célèbres de ses chansons (Il prend même la peine de les traduire)  

Pour vous donner envie, voici Mick Jagger accompagné de Keith Richards reprenant le fameux Love in Vain de Robert Johnson.

 

Et pour les curieux, un lien vers un entretien donné par les deux auteurs de la BD : Entretien des auteurs.

Love in Vain de Jean-Michel DUPONT, illustration MEZZO
Edition Glénat 2014.



(article rédigé par Grace T., Béatrice H. et Isabelle S.)  





DE BONNES VACANCES C'EST AUSSI (D'ABORD?) DE BONNES LECTURES

Voici donc la sélection de romans contemporains que nous avons choisis de mettre à l'honneur pour cette nouvelle saison des ActuaLiseurs. Et à en croire l'engouement qu'ils ont suscité quand on les a présentés aux deux séances d'ouverture, on a eu raison... souhaitons que leur lecture confirme les premières impressions, les envies qu'ils ont réveillées !

Voici la liste dans l'ordre alphabétique (avec année de 1ère parution), puis vous trouverez un petit résumé concernant chaque livre, si vous avez envie de vous "faire une idée", et des petites vidéos, parfois, qui vous feront rencontrer les auteurs.

Bonnes fêtes et... bonnes lectures variées !
Isabelle Saïdou et Béatrice Huaulmé


Romans :
Chalandon Sorj, Profession du père (éd Livre de poche, 2015)
De Vigan Delphine, D’après une histoire vraie  (éd Grasset, 2015)
De Kerangal Maylis,  Réparer les vivants (éd Folio Gallimard, 2014)
Desarthe Agnès, Une partie de chasse ( éd Points Seuil, 2012)
Faye Gael, Petit pays (éd Grasset, 2016)
Foenkinos David, Charlotte (éd Folio Gallimard, 2014)
Garde François, L’effroi (éd Gallimard, 2016)
Goby Valentine, Un paquebot dans les arbres (éd Actes Sud)
Ovaldé Véronique, Soyez imprudents les enfants ( éd Flammarion, 2016)
Malte Marcus, Fannie et Freddie (éd Zulma, 2014)
Message Vincent, Défaite des maitres et possesseurs (éd Seuil, 2016)
Postel Alexandre, L'Ascendant (éd Folio Gallimard, 2015)
Rufin Jean-Christophe, Le collier rouge  (éd Folio Gallimard, 2014)

Nouvelles :
Pagano Emmanuelle, Un renard à mains nues (éd P.O.L., 2012)

Bandes dessinées :
Mathieu, Marc Antoine, L'origine (éd Delcourt, 1991)
Dupont Jean Michel, Love in vain (éd Glénat, 2016)



CATÉGORIE ROMANS "PETITE TAILLE", FACILES À LIRE

Rufin Jean-ChristopheLe Collier rouge (2014)

Dans une petite ville du Berry, écrasée par la chaleur de l'été, en 1919, un héros de la guerre est retenu prisonnier au fond d'une caserne déserte. Devant la porte, son chien tout cabossé aboie jour et nuit. Non loin de là, dans la campagne, une jeune femme usée par le travail de la terre, trop instruite cependant pour être une simple paysanne, attend et espère. Le juge qui arrive pour démêler cette affaire est un aristocrate dont la guerre a fait vaciller les principes. Trois personnages et, au milieu d'eux, un chien, qui détient la clef du drame... 




Foenkinos David, Charlotte (éd Folio Gallimard, 2014)


Ce roman retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu'elle était enceinte. Après une enfance à Berlin marquée par une tragédie familiale, Charlotte est exclue progressivement par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France.
Portrait saisissant d'une femme exceptionnelle, évocation d'un destin tragique, Charlotte est aussi le récit d'une quête. Celle d'un écrivain hanté par une artiste, et qui part à sa recherche. 
L'écriture est simple, épurée, dense : elle ravira tous ceux qui n'apprécient pas trop les longues description.




Postel Alexandre, L'Ascendant (éd Folio Gallimard, 2015)

Le narrateur, à la demande d'une psychiatre, raconte les événements qui, en l'espace de cinq jours, ont dévasté sa vie. Tout commence lorsque ce vendeur de téléphones mobiles apprend le décès de son père, avec lequel il entretenait des rapports très lointains. Afin d'organiser les obsèques, le jeune homme se rend dans la petite ville où vivait le défunt et s'installe dans la maison paternelle. Il fait alors une découverte terrifiante qui le plonge, au fil d'un enchaînement insidieux de faux pas, dans une situation cauchemardesque. On retrouve ici ce qui faisait la force du premier roman d'Alexandre Postel : une narration implacable et ironique, qui donne au récit la forme d'une tragédie. Le sentiment de culpabilité, au centre du texte, génère une atmosphère trouble et inquiétante : jusqu'à la dernière ligne, le lecteur hésite entre l'empathie, la révolte et l'effroi.



Desarthe Agnès, Une partie de chasse ( éd Points Seuil, 2012)

Ils sont quatre.
Quatre chasseurs qui avancent dans les vapeurs de l'aube, avec leurs fusils et leurs chiens. Tristan est le plus jeune. Que fait-il là, en compagnie de ces hommes dont il se sent si différent ? Est-ce pour se soumettre à une épreuve initiatique ? Ou pour régler une question d'honneur qui l'oppose à l'un d'entre eux ?
Un accident survient, il faut aller chercher du secours, les éléments s'en mêlent, une tempête se lève. Le déluge emporte tout sur son passage, répondant peut-être à ce désir qu'a Tristan de faire table rase d'un passé encombrant.




Malte Marcus, Fannie et Freddie (éd Zulma, 2014)

New York. L’énorme escroquerie des subprimes a conduit à la ruine des millions de ménages modestes endettés à mort, comme les parents de Fannie, vieux couple d’ouvriers rêvant d’accéder à la propriété. Fannie, surnommée Minerve par ses collègues de bureau parce que son buste tout entier pivote quand on l’interpelle. Fannie, dont personne ne se doute que sa raideur masque une effrayante coquetterie pour dissimuler un œil de verre. Cachant l’âme d’un cyclope solitaire, cette Minerve borgne n’en est pas moins femme.
Marcus Malte est l'auteur du roman très remarqué Le Garçon, publié cette année.





CATÉGORIE ROMANS "TAILLE NORMALE"

Faye Gael, Petit pays (éd Grasset, 2016, prix Goncourt des Lycéens 2016)

Burundi, 1993. Alors que les élections présidentielles apportent l'espoir d'une démocratie, ce petit pays tombe sous le poids de la haine, de la mort et des massacres. Gaby est le jeune fils d'un expatrié français et d'une élégante rwandaise exilée. Il coule des jours heureux au coeur de son impasse, entouré de ses amis. Il va chercher longtemps à se cacher la réalité, il ne veut pas choisir son camp, mais il devra comme tout le monde faire le deuil de sa vie d'avant, tirer un trait sur son enfance et perdre son innocence...


Garde François, L’Effroi (éd Gallimard, 2016)

Sébastien Armant est altiste dans l'orchestre de Paris, sous la direction du chef d'orchestre mondialement connu, Louis Craon. C’est homme sans histoire avec une vie plutôt banale.
Un soir, lors d’un concert en direct à la télévision, Louis Craon entre en scène et avant de lancer le départ, il assène un "heil Hitler" accompagné d'un salut nazi. Que se passe-t-il ? Est-ce réel ? Une minute passe, personne ne comprend, personne ne bouge, Sébastien est le premier à se lever. Il tourne le dos à son supérieur, l'alto la tête en bas, voilà le geste de son désaccord.
Ce geste va bouleverser sa vie. C'est ce bouleversement qui est au coeur de ce roman qui se dévore littéralement, éclairant très lucidement la dépendance de chacun aux mondes très lisses et froids des médias.



Chalandon Sorj, Profession du père (éd Livre de poche, 2015)

L'auteur nous raconte l'enfance d'Emile, enfant unique né au lendemain de la seconde guerre mondiale. Emile a la chance d'avoir un papa champion du monde de judo, prêtre, agent secret, ami intime de De Gaulle... Alors évidemment, on ne s'ennuie pas avec un papa pareil : après l'entraînement militaire, il faut déposer des lettres anonymes, faire des planques...Difficile d'être à la hauteur aussi de ce papa exigeant, d'où la pluie de coups qui ne cessent de s'abattre sur Emile. Difficile aussi de croire aux incroyables histoires de ce père qui ne quitte pas l'appartement et qui terrifie la mère, victime consentante, bourreau auxiliaire. 


Goby Valentine, Un paquebot dans les arbres (éd Actes Sud)
Au milieu des années 50, Mathilde, 10 ans voit sa vie basculer lorsque son père contracte la tuberculose. C'est l'histoire de sa vie (jusqu'à l'âge adulte) et celle de sa famille dans la France des Trente Glorieuses, de la Sécurité Sociale.
Inspiré d'une histoire vraie, ce roman est magnifiquement porté par une écriture propre à Valentine Goby : faite de phrases qui claquent, d'images fortes et qui montre le corps dans toute sa douceur et sa force, sans impudeur ni mièvrerie. A recommander à tous ceux qui sont curieux des relations entre un père et sa fille - complexes et simples en même temps.



De Vigan Delphine, D’après une histoire vraie  (éd Grasset, 2015)

"Ce livre est le récit de ma rencontre avec L. L. est le cauchemar de tout écrivain. Ou plutôt le genre de personne qu'un écrivain ne devrait jamais croiser."
Dans ce roman aux allures de thriller psychologique, Delphine de Vigan s'aventure en équilibriste sur la ligne de crête qui sépare le réel de la fiction. Ce livre est aussi une plongée au cœur d'une époque fascinée par le Vrai.






Message Vincent, Défaite des maitres et possesseurs (éd Seuil, 2016)

Iris n'a pas de papiers. Hospitalisée après un accident de voiture, elle attend pour être opérée que son compagnon, Malo Claeys, trouve un moyen de régulariser sa situation. Mais comment s'y prendre alors que la relation qu'ils entretiennent est interdite ? C'est notre monde, à quelques détails près. Et celui-ci, notamment : nous n'y sommes plus les maîtres et possesseurs de la nature. Il y a de nouveaux venus, qui nous ont privés de notre domination sur le vivant et nous font connaître un sort
analogue à celui que nous réservions jusque là aux animaux.




Pagano Emmanuelle, Un renard à mains nues (éd P.O.L., 2012)

Les personnages de ces nouvelles ne se trouvent pas au milieu du récit, ils restent dans les marges, ils se tiennent au bord de leurs vies, de leur maison, de leur pays, ils marchent au bord des routes, à côté de leur mémoire, à la lisière de l'ordinaire et de la raison, comme il leur arrive de faire du stop : au cas où on s'arrêterait pour les prendre. Je les ai pris dans mon livre. 




CATÉGORIE ROMANS AU STYLE PARTICULIER, DÉTERMINANT

De Kerangal Maylis,  Réparer les vivants (éd Folio Gallimard, 2014)
Le coeur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps". "Réparer les vivants" est le roman d'une transplantation cardiaque. Telle une chanson de gestes, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement
Le roman de Maylis de Kerangal est une fresque sur la vie, celle que l’on perd, celle que l’on reçoit. Le lecteur découvre à travers une galerie de portraits des destins croisés, des êtres qui vont se rejoindre autour d’un corps, celui de Simon.





Ovaldé Véronique, Soyez imprudents les enfants ( éd Flammarion, 2016)
Alors qu'elle a 13 ans, Atanasia Bartolome a comme une révélation devant une toile du peintre Roberto Diaz Uribe. Elle découvre qu'il est un cousin de son père et souhaite savoir ce que cherche à lui dire ce peintre, qui a disparu un jour comme tous les ancêtres Bartolome. La jeune fille décide de partir elle aussi explorer le vaste monde.
 Il s'agit d'un roman d'initiation, où l'on suit la jeune narratrice (qui tantôt dit "je", tantôt dit "elle" : code habituel détourné, qu'on se le dise...) en quête de cet artiste qui l'a ravie (elle remonte le temps à la recherche de tout ce qui pourra le lui faire mieux connaître) et en alternance : on découvre les ancêtres de cet homme (on avance chronologiquement à sa rencontre). Ce feuilletage de temps nous permet de sentir le "volume" qui constitue tous les petits fils qui se nouent entre eux pour tisser une vie.






CATÉGORIE BANDES DESSINÉES : "CASES EN NOIR ET BLANC"




Mathieu, Marc Antoine, L'origine (éd Delcourt, 1991)
un classique à avoir forcément dans sa bibliothèque, tous les amateurs de BD en conviennent. Voici le premier tome de la série de Julius Corentin Acquafaques, prisonnier des rêves. Tous les numéros (nous en sommes depuis deux ans au 6ème tome) sont fascinants (et lisibles indépendamment les uns des autres). Pour des raisons de budget, nous n'avons pas pris le dernier (Le décalage, numéro 6 : excellent et à ne pas "feuilleter", surtout : pour que la surprise qui arrive en fin de roman ne soit pas éventée !), mais le tout premier... à découvrir avec bonheur !


Dupont Jean Michel, Love in vain (éd Glénat, 2016)
L'histoire vraie de Robert Leroy Johnson (1911-1938), guitariste virtuose, mort prématurément à 27 ans. Son talent était tel qu'on le soupçonnait d'avoir vendu son âme au diable. Grand séducteur et noceur, il ne reste de sa courte carrière que quelques enregistrements et trois photographies. Mais le mystère et le génie qui l'entourent en font un modèle pour des générations de musiciens. 

En grands amoureux du blues et de la musique du Delta, Jean-Michel Dupont, par son écriture subtile, et Mezzo, par son graphisme puissant, signent un somptueux album comme une ode à la mémoire de ce père du blues qui a inspiré tant de grands musiciens comme Jimi Hendrix, Bob Dylan ou les Rolling Stones.







juillet 2014 

"Quand la poésie met le fantastique à la question ..."


L'horreur me fascine.


Au début de l'année scolaire, je cherchais un livre capable d'assouvir ma soif d'horreur. Je ne voulais pas de l'horreur gratuite, de celle qui
fait étalage de tripes et autres confiseries morbides, de celle qui cherche à produire des sensations fortes, aussi vaines que rapides. Je ne voulais pas consommer du sang, je ne cherchais pas la vulgarité livide de l'horreur facile.



Je voulais trouver un livre à l'horreur littéraire, qui puisse me tenir par mon incompréhension. Car l'incompréhension est la source suprême de toute forme d'horreur.
 J'ai finalement trouvé un livre mystérieux, qui m'interpellait assez étrangement, comme une sorte d'appel primitif, un instinct. Il s'agit de La Dame n°13 de José Carlos Somoza.



Le départ est simple : un homme au chômage, anciennement professeur de littérature et poète, fait le même rêve depuis quelque temps, un cauchemar à dire vrai. Il assiste, passif, à une série de meurtres abominables, dans une maison bourgeoise. Ce rêve l'obsède et le dérange, jusqu'au jour où il découvre qu'il a effectivement eu lieu. Il décide de se rendre à l'emplacement du crime et fait la rencontre d'une clandestine Hongroise devenue prostituée. Ils s'échangent leurs rêves, réalisent qu’ils sont identiques et décident d'explorer cet endroit presque familier. Là débute l'histoire terrible de deux personnages en quête de réponses. Ils finiront par découvrir une secte datant de l'aube de l'humanité, la secte des "dames" : des muses.



Ce roman est envoûtant. On part du fantastique pour arriver au thriller psychologique. Mais tout du long, l'auteur garde un souffle étonnamment littéraire, porté par l'idée démentielle que la poésie est la plus raffinée des armes de torture. On n’en attendait pas moins de la part d'un auteur psychiatre ! L'originalité déconcerte le lecteur, il se sent manipulé et par moment étouffe face à la description troublante, subjuguante même de sévices monstrueux. Car le roman est parfois très cru, à la limite du soutenable. Mais jamais il ne tombe dans la gratuité ou le gore superflu : "tout est calculé".




Ce qui fait la beauté du livre, en plus de sa résolue maîtrise narrative et psychologique (peut-être un peu altérée par ce foisonnement de réponses aux énigmes), c'est l'hommage tangible à la poésie et, plus encore, à la poésie lue. Un hymne à la "formule qui perle". S'ajoute à cela une réflexion sous-jacente sur la notion de hiérarchie, qui berce tout le livre et qui interroge d'autant plus. On reprochera cependant l'accéléré final du temps narratif, qui enlève la beauté de la tension. Mais l'œuvre de Somoza reste admirable et terriblement marquante.

(*) La citation ("Vous qui entrez, abandonnez tout espoir...") est empruntée  à Dante par Somoza, et résonne, tout au long du livre, comme un pacte avec le lecteur.

(Louis A.)



dimanche 29 janvier 2013
"NOUS SOMMES TOUJOURS PLUS GRANDS QUE CE QUE DISENT LES LIVRES"

Les livres pourraient-ils être vidés de toute littérature? 
Une analyse du roman de Cécile Coulon, Le Rire du grand blessé (2013), qui s'interroge sur ce qui pourrait advenir d'un monde où l'on ne saurait plus lire par soi même.


On ne sait pas où, ni quand. Ce qui est certain, c’est que le nouveau roman de Cécile Coulon, Le Rire du Grand Blessé, est une immersion de 130 pages dans un régime totalitaire, une société où règne une irréelle réalité.
Les premières pages nous plongent in medias res, dans un monde où la littérature est interdite, où la plupart des gens sont analphabètes. « Nous étions des chiffres, des performances ». Le personnage principal, c’est le numéro 1075, homme robuste, tout droit venu de la campagne, à la recherche d’une vie de rêve au Service National, où il occupe un poste d’Agent de sécurité. 1075 ne sait pas lire, et ne veut pas lire : sa fonction le lui interdit. 
Son rôle, c’est de surveiller ce que le système, dirigé par le Grand, a nommé les Manifestations à Haut Risque, rassemblements pendant lesquels ont lieu les  lectures à voix haute des livres officiels. Livres Fou Rire, Tendresse, Frisson, Haine, ils sont classés par « catégories émotionnelles » bien étanches, et leurs lectures publiques provoquent le déchaînement des foules, des crises d’hystérie déclenchées par des mots qui sont devenus des produits de consommation.
Au milieu de tout cela, 1075 reste imperturbable. Il sait faire face à n’importe quelle situation. Son but est d’être craint, respecté, reconnu comme l’un des meilleurs Agents, et rien ne semble pouvoir l’en empêcher. Et puis tout à coup, l’histoire de 1075 devient l’histoire de l’homme qui apprit à lire par accident. 

Mordu par un « molosse », chien de sécurité, il se retrouve à l’hôpital. Là-bas, dans un couloir sombre, il entend sans le vouloir une leçon de lecture. La réalité de la lecture nous apparaît clairement, à ce moment là du récit : une fois que l’on sait lire, tous les mots qui nous passent sous les yeux sont déchiffrés, inconsciemment, par notre cerveau. 1075 engage alors une lutte contre lui-même, tiraillé entre son devoir d’Agent et ses lectures clandestines. Il recherche la passion des sentiments qu'il n'a jamais connus. Mais ce qu'il attend de la lecture, les livres officiels ne pourront jamais le lui apporter, et l'acte de lire devient peu à peu, une fois l'excitation de l'interdit dépassée, une léthargie de sentiments, sans profondeurs, un cercle fermé dont on ne peut repousser les limites.

Le Rire du Grand Blessé, c’est aussi l’Histoire de la rencontre entre le Silence et la Lumière, brève et inoubliable. Lucie Nox est une femme brillante, une psychologue ultra-performante qui cerne les êtres dans leurs profondeurs, et qui a su autrefois guérir des patients grâce à un programme de lecture. Maintenant que la littérature est interdite, elle se retrouve prisonnière de ses propres méthodes, détournées par le gouvernement afin d’instaurer un contrôle total sur tous les Agents. Elle les a tous examinés, sauf un : 1075, le seul qui trompe le système sous les yeux du Grand. Leur rencontre amènera chez l’un et l’autre ce qu’aucun ne possédait avant : un objectif. Une existence.

Dans son livre, Cécile Coulon manie avec beaucoup de style le thème de la lecture. Selon elle, la littérature se rapproche du vital, de l’irremplaçable, et un homme à qui on interdit de lire n’en est plus unLe Rire du Grand Blessé, c’est le rire d’une victoire au milieu de la défaite, le rire, à la fois plein de colère, de tristesse, et de joie, d’un homme qui brave tous les interdits dans le seul but de sortir de lui-même, de se regarder dans les yeux et enfin ! de se connaître, puis se reconnaître. Finalement, on découvre que 1075 est bien  plus qu’un chiffre ou une performance, et que derrière « le gilet par balle qui lui sert de cœur », il y a un homme, et un vrai. Et si le courage « consistait à ne pas céder à la violence au moment où on en éprouvait le plus besoin » ?
1075 ne le sait pas, mais ce qui manque à sa lecture, ce n'est rien d'autre qu'un peu de littérature. Et cette littérature, elle est incarnée par nulle autre que cette même Lucie Nox, qui transmettra à l'Agent quelques textes, en secret, dans lesquels "les émotions [font] l'amour, et qui vont faire "tomb[er] les barricades" d'un être vide.
Le Rire Du Grand Blessé est un roman qu’on ne lâche pas, un long poème en prose, qui a la goût délicieux d’une lecture sèche et mystérieuse.  

(Emilie Ch.)


samedi 23 novembre 2013
ET SI ON PARLAIT D'UN PEPLUM DU FUTUR?
Une lecture de Peplum, roman d'Amélie Nothomb

Vous connaissez sûrement Stupeur et Tremblement d'Amélie Nothomb, grande auteure contemporaine, mais connaissez-vous d'autres de ses œuvres ? Je vais vous parler de Peplum, écrit en 1996. Même si certains pensent que ce n’est pas son meilleur, je le trouve très bien fichu, moi, ce petit roman d’anticipation, et l’immodestie de son auteure ne me gêne pas, je trouve que c’est un jeu qui fait partie du personnage (puisque, comme dans d’autres de ces livres, elle se met en scène dans l’histoire).

Synopsis : Amélie Nothomb s'endort lors d'une opération médicale. A son réveil, elle rencontre alors Celsius, un scientifique énigmatique qui lui explique qu’entre son opération et son réveil, 585 années se sont déroulées ; nous sommes donc en 2580. On assiste alors à un dialogue entre Celsius et Amélie sur les événements qui se sont produits depuis 1995.

Particularité de ce livre : ce qui surprend, dès la première page, c’est que c'est un livre entièrement rédigé en dialogues, quelquefois entrecoupés de très rares phrases narratives. Les personnages ne sont pas indiqués au début d'une réplique comme dans une pièce de théâtre, ce qui m'a perdue plusieurs fois dans le livre (ou mieux : au cours de ma lecture ?). Au fil de l'histoire, on apprend à connaître les deux personnages et l'identification devient plus facile. Ensuite, je dirais que ce livre est un concentré de réflexions sur l'éventualité du futur. Amélie et Celsius traitent de sujets divers tels que la politique, la littérature, la chaîne alimentaire animalière, ou même les produits laitiers d'une façon très sérieuse, mais toujours dans le sarcasme si caractéristique à Amélie Nothomb.

Mon avis : Je trouve ce livre très intéressant, Amélie Nothomb a une façon de parler de la fatalité avec un comique déconcertant, les petites querelles des personnages m'ont fait sourire et m'ont emmenée sans m'en rendre compte sur des sujets auxquels jamais je n’aurais pensé seule (comme la loi du temps et ses propriétés). Elle nous propose sa version de l'humanité future, à une époque où régnera l'intelligence et l’ego de soi, une sorte de régression où les faibles sont littéralement écrasés par les plus forts. Le rythme très rapide qui jamais ne s'arrête est poignant et rend facile la lecture. Je vous recommande donc  fortement ce petit livre qui est un concentré d'humour et d'hypothèses toujours plus farfelues, qui, à mon goût, devrait être plus connu !

(Coline)






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