mercredi 4 décembre 2013

Le héros, un homme parmi les hommes

Maylis de Kerangal, naissance d'une voix


Parmi les romans récents, il en est un qui a marqué particulièrement ceux qui l'ont lu  : Naissance d'un pont, pour lequel Maylis de Kerangal a reçu le prix Medicis en 2010.

Elle y décrit, par le menu et le titanesque, la formidable énergie qui pousse des hommes à créer un tel ouvrage (et un pont, techniquement parlant, cela s'appelle un ouvrage d'art), pour tenter une conciliation improbable entre deux espaces radicalement différents : une forêt archaïque et une ville ultra-moderne, high tech au possible,  sortie de nulle part et au nom qui fait clin d'œil à notre époque - Coca. 
Sans cesse, on oscille entre l'hyper-réalisme (comment faire un roman avec une liste de termes techniques? défi tenu) et le narratif épique (l'homme aux prises avec une ambition qui le dépasse et le grandit).
Le roman n'est rien d'autre que ça : cette aventure collective, dans laquelle s'engouffrent corps et âme des individus anonymes venus de tous horizons, de toutes professions, de toutes histoires personnelles, confondues. Et chacun va se découvrir héros, justement par cette confrontation à quelque chose qui le sort de lui-même pour que la naissance ait lieu. C'est de l'humain par-delà le béton. La vie, quoi.

Je vous propose d'aller d'abord écouter l'interview menée à la librairie La Galerne (Le Havre), où Maylis de Kerangal présente son projet en insistant sur les points essentiels : ·       Maylis de Kerangal présente son livre

Elle revient sur le titre, sur ce qui a déclenché l'écriture, sur la dimension épique de ce roman hyperréaliste. Surtout : sur la double focale qu'elle adopte, tantôt panoramique (l'épopée collective) tantôt "moléculaire", pour reprendre ses mots (le menu détail par lequel on saisit que derrière chaque anonyme, il y a une histoire, une vie digne d'un roman).

photo empruntée au site le Café littéraire Luxovien
Ensuite, puisque l'auteur est généreuse dans les rencontres qu'elle accepte de faire avec son public, et que la toile nous permet de relayer ces moments de partage entre un auteur et son lecteur, voici :
    •  l'adresse du Café Littéraire Luxovien (un site littéraire très bien fait), qui dresse un bilan de son parcours, à l'occasion de sa venue à la médiathèque de Champagney en 2009 : Bio-biblio de Maylis de KerangalVous y découvrirez un peu de sa méthode de travail, de son rapport aux autres, aussi.
  • une petite vidéo, qui ouvrait, en 2010, un documentaire que le site Rue 89 lui a consacré, et qui lui donne l'occasion de lire un extrait de son roman (le début): vous pourrez donc entendre de vive voix, par delà les bruits de la rue, l'auteur qui devient son propre lecteur :    Lecture du début de Naissance d'un pont

Pour ceux qui voudraient pousser un peu plus loin la rencontre, je conseille d'aller écouter l'auteur dans un entretien libre, donné pour Mediapart : Maylis de Kerangal parlant de Naissance d'un pont Vous y trouverez des informations précieuses sur son rapport à Diderot, sur le choix des noms de certains personnages, sur ses sources d'inspiration et sa méthode de travail. "ça sonnait l'Amérique", dit-elle de ce roman en forme de western des temps modernes. 

On peut être décontenancé par le flux, le rythme de sa parole : souvent, c'est même la première réaction des élèves. Mais ceux qui ont déjà lu Corniche Kennedy le savent : on entre pleinement dans le texte, comme on plonge dans la mer, sans se demander où est le début, où commence la fin. On oublie qu'on peut s'y perdre, on se laisse porter, voilà tout. Et quand on lâche prise, sans plus craindre les longues phrases, les cris vivants, les changements de voix qui s'entremêlent, on s'aperçoit qu'on garde la tête hors de l'eau, facile. 

(B.H.)

2 commentaires:

  1. C'est drôle, mais quand on lit le texte, on n'imagine pas qu'il soit lu de cette manière...Personnellement, je m'attendais à une lecture plus précipitée, presque cristalline. Un peu comme l'écriture. Intéressant..

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    1. C'est bien, que tu sois surpris(e), dérouté(e). La lecture proposée ici est dans la rue, et visiblement improvisée : rien à voir avec une lecture en studio, portée par un silence ou une musique choisie. Du coup, l'auteur doit forcer sa voix et son rythme en est modifié. Ton idée d'une lecture qui "collerait" plus à l'écriture est à garder. A essayer, même, peut-être...
      (B.H.)

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