mercredi 2 avril 2014

"Poésie, pas morte".



Ce billet d'humeur, pour m'élever contre tous ceux qui réduisent la poésie à une frêle parole d'amour rougissante, qu'un pauvre éconduit balbutierait tout seul dans son coin.

Les poètes, dans un coin, d'accord. Mais alors un Coin de table, à la Rimbaud, qui se tiennent mal et font bouger le monde, par leur regard aigu et leurs mots qui dessillent, jetés pleine face. Ils observent et invitent à se poser, à réfléchir, à réagir. Dans ce monde de 4G toujours plusplus, ça fait du bien de ralentir, d'écouter le silence au creux de soi. D'accueillir ce qui va vibrer alors, parfois de façon si brute, essentielle, que (ne riez pas), ça peut faire pleurer.

Et si la "grande dame langoureuse" dont parlait déjà Cocteau a la vie longue  - combien nombreux sont encore ceux qui s'obstinent à la voir toujours alanguie sur ses coussin moelleux, shootée aux vapeurs amoureuses, qui les confinent, eux, dans leur quant à soi -, c'est à tous ceux qui croient en ce pouvoir du verbe de la sortir de là. Rester claustrée, les yeux fermés, c'est pas une vie.

Depuis plus d'un siècle, la poésie est sortie dans la rue, et même, d'une certaine manière, des livres : on la voit sur les murs, dans des spectacles de danse, dans des soirées de lectures. Elle a le verbe haut, même si elle ne se donne pas facilement à entendre. Faut savoir l'écouter.

Alors je rêve : un jour, le lecteur n'aura vraiment plus honte de ses choix, il demandera à un libraire (oui, y en aura encore), un samedi après-midi qu'il n'a plus rien à lire  : "qu'est-ce que vous avez comme recueil de poèmes à me conseiller, en ce moment?"
Bon, d'accord, ce n'est peut-être pas pour tout de suite.

Mais mes élèves m'ont rassurée, aujourd'hui : j'aurais tort de croire que, c'est rédhibitoire, la poésie ne se lit plus. On pourrait même apercevoir de ses livres, tout cornés, dépassant de la poche d'un jeune avachi sur un strapontin de métro déglingué, ou sur des plages, même - ô joie, suspends ton vol ! - entre les mains d'une jeune fille, qui découvre avec jubilation les Fleurs du mal, et passe outre le nombre de pages minimum qu'un professeur conscient de l'effort qu'il allait demander, avait fixé (j'assume : c'était moi. "Allez, quoi, des poèmes, ça se lit vite", j'avais cru bon d'ajouter, comme une excuse à cette folle requête. Parfois j'ai honte d'avoir honte.)

Comme si la pilule devait être amère, et s'avaler sans respirer.
Comme s'il fallait avoir peur de leur faire lire ce qui leur restera, en bribes heureuses, toute la vie. Les mots sont parfois indélébiles, si.

Pour afficher ses goûts poétiques, et s'engager  : 
voici trois endroits où l'on peut rencontrer des paroles de poètes : 
- la Maison de la Poésie, située Passage Molière, dans la rue Quincampoix (près de Beaubourg) : un lieu où, pour pas cher (même parfois : gratuitement!) on peut entendre et voir des écrivains et des poètes lire, discuter, s'accompagner de musiciens : MAISON DE LA POESIE
- le site de Poezibao : un peu plus pour connaisseurs (ou ceux qui ont envie de le devenir), mais c'est un site qui tient au courant de l'actualité poétique :  POEZIBAO, REVUE DE POÉSIE
- le site de Jean-Michel Maulpoix : qui permet de réécouter des conférences de cet universitaire et poète, de se replonger dans les problématiques liées à la poésie et de découvrir des poètes d'aujourd'hui, dont il parle généreusement : MAULPOIX & CIE

Pour le dire en images : 
voici deux petites vidéos que je vous invite à regarder/ écouter : une trace heureuse, sur le net, de ce Printemps des Poètes (on en est au 16ème !) qui cette année a vu, entre autres, une manifestation poétique se faire sur la place du Trocadéro.
- La première est sur le site du Printemps des Poètes : vous pourrez ainsi en profiter pour flâner, et glaner des informations concernant la poésie active, à vive voix : LIBERTÉ, PRINTEMPS DES POÈTES 2014 (1)
- la deuxième est un montage par l'équipe de José Montalvo, le chorégraphe qui a orchestré cette expérience, devant son théâtre (Chaillot) : LIBERTÉ, PRINTEMPS DES POÈTES 2014 (2)

Il y a tant de poésie "donn(ée) à voir", pour reprendre un titre d'Eluard, justement, dans ces pas déséquilibrés, dans ses regards intérieurs qui s'exposent aux yeux de tous, avec confiance, que c'est une belle façon de le redire : non, la poésie n'est pas morte, elle traverse le corps et imprègne nos vies.

(Béatrice H.)

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