dimanche 17 novembre 2013

Caubet nous livre son OEDIPE : bilan contrasté

Oedipe roi.
On ne connaît que trop ce nom et cette histoire. Cet homme qui tua son père et épousa sa mère, à qui il fit des enfants... 
On m'en avait très souvent parlé, en bien. Je m'amusais intérieurement en observant les réactions des novices du théâtre antique en classe : ces "Oh !" et ces "Ha !" d'étonnement qui rythmaient les paroles du professeur décrivant le destin de cet homme maudit. Œdipe n'en finit pas de découvrir son parricide et son inceste sous les yeux stupéfaits des élèves.
Une véritable enquête policière menée en deux heures, sans temps mort. Moi-même, cet été, lorsque j'ai pris la décision de lire la pièce de Sophocle, j'ai été ébahi par la beauté du texte et les faits horribles qu'il relatait.
C'est donc avec enthousiasme que je me suis rendu à L'Apostrophe (théâtre de Pontoise), pour y voir la création que livrait Antoine Caubet de la pièce, dans sa propre traduction. ( Il joue également : il incarne Créon ). Mais j'en suis sorti profondément sceptique. Je savais que j'avais assisté à un spectacle fondamentalement bon, mais certains choix de jeu et de direction m'ont laissé de marbre. 
Ce qui m'a déplu, presque choqué tout d'abord, c'est l'utilisation d'un objet anti-théâtral par excellence : le micro ! Dans une pièce qui se veut un absolu de théâtre, comment peut-on laisser un artifice pareil s'immiscer sur scène? Pourtant, je le reconnais, le choix de Caubet n'est pas gratuit. Il me semble transposer de manière actuelle ( et juste ) les "entr'actes" du Chœur antique, récapitulant ce qui vient de se passer dans la scène précédente.  Mais ce choix crée un trop grand contraste avec le reste, qui se veut intimiste et sobre. Surtout que les deux comédiennes tenant ( entre autres ) le rôle du Chœur, se mettaient à ces moments-là, à gesticuler comme deux sorcières en transe... Dommage, vraiment. Car leurs gesticulations et voix fluctuantes dénaturaient le texte, voire le rendaient incompréhensible et, horreur, suscitait presque le rire, en pleine tragédie. 

Reconnaissons-le : la mise en scène de Caubet se veut sincèrement respectueuse des représentations antiques ( la nouvelle traduction aussi ), dès le début, on nous le dit  par une ouverture qui joue le jeu, en pleine lumière, à vue : on ne sait pas grand chose de comment s'effectuait les premières représentations, mais ce que l'on sait, on l'a respecté. 
C’est ce qu’une comédienne explique, alors que les spectateurs sont tout juste installés dans la salle, que la lumière n’est pas encore éteinte. On entre progressivement dans le temps de l’histoire. Le décor est en bois. Il y a des échafaudages, des escaliers et ce qui ressemble non pas à un amphithéâtre mais à la continuité de la salle où nous sommes assis, nous autres spectateurs. Les comédiens s'adressaient à nous, non pas en hurlant mais en parlant. Parfois, ils murmuraient. Je pense notamment à la scène où Tirésias confie à Oedipe que le coupable qu'il cherche n'est autre que lui-même.  Les longs silences, le regard ailleurs, l'élocution murmurante du comédien étaient d'une grande justesse. 
Quant aux comédiens, leur jeu était des plus contrasté. Pour moi, Oedipe était honnête, sans plus. A l'instar du Chœur, son jeu hyper-souligné parfois, notamment à la fin – ses excès de colère puis de joie sonnaient parfois faux - rompait l’illusion, le charme qu’il réussissait à créer par moments. Jocaste décontenançait, son jeu gâché par sa voix de fumeuse... Ce n'est pas tant la distribution qui n'allait pas que les consignes de jeu voulues par Caubet, trop contrastées à mon goût. Son interprétation de Créon était convaincante. Mais la petitesse de son rôle comparée à l'ampleur musicale de sa voix créait un contraste de plus.  
Enfin, le point très positif : l'éclairage. Les corps étaient mis en valeur, les visages torturés par le doute et la peur de l'inimaginable, de l'inconcevable étaient éclairés brutalement ( lumières nues, par en dessous ou sur le côté, effets de volume ), mais ils n'en ressortaient que plus humains ( tout particulièrement dans le monologue de fin d'Oedipe ). 
  Le spectacle était donc appréciable, mais trop contrasté pour être inoubliable, à mes yeux du moins.
Pour ceux qui sont intéressés, le spectacle se joue jusqu'au 15 décembre au Théâtre de l'Aquarium à Paris.
Cliquez ici pour plus d'infos:  OEDIPE-ROI à l'Aquarium

(Louis).

 

2 commentaires:

  1. Je pense que mon camarade a raison. A mon avis, le metteur en scène a beaucoup joué sur la lumière et les ombres quelles produisaient ce qui donne un meilleur aspect des émotions transmises pas les comédiens.
    Cependant( je ne peut juger la qualité de leur travail puisque je ne suis pas comédien moi- même), je pense que les gestes étaient trop prononcés et donner un aspect un peu monstrueux a la pièce (notamment dans les passages où le chœur intervient.
    Malgré ces quelques défauts sans grandes importances, je vous conseille tout de même d'aller voir cette pièce(lien ci-dessus) qui, à mon sens et une très belle pièce,appréciable à regarder.

    RépondreSupprimer
  2. Votre commentaire donne envie de voir la pièce afin d'en débattre ensuite avec vous, tant votre réflexion critique semble juste, bien écrite et d'une incroyable maturité.

    RépondreSupprimer